Nos projets

Mue

Projet photographique

Pour les femmes qui traversent un cancer du sein, le travail de reconstruction est un cheminement personnel long et difficile. Au-delà du combat contre la maladie, le changement corporel est souvent un traumatisme psychique. Ces séances de prise de vue sont le fruit d’un échange entre une chirurgienne en lutte contre la banalisation du cancer du sein et une photographe pour qui la photographie peut être un outil thérapeutique permettant de travailler sur l’image de soi. Les portraits qui en résultent sont autant un accompagnement vers la réconciliation avec son corps qu’une revendication au droit de se sentir femme, belle, et fière de montrer son corps.

EXPOSITIONS

Mars 2022 : Première série à l’Hôtel Dieu, Rennes
Octobre 2022 : Exposition au Centre Eugène Marquis, Rennes. Exposition à BREF, Vannes
Eté 2022 : Deuxième série lors d’une résidence à BREF, Vannes
Septembre 2023 : Exposition au Quarante, Laval
Octobre 2023 : Exposition au CHBA, Vannes

Magali

« Il y a le deuil du corps avec le sein qu’on enlève mais il y a aussi tout un deuil de la vie d’avant, de ce que l’on était avant. On parle de reconstruction mammaire, on parle de reconstruction psychologique mais pour moi, c’est toute une vie qu’il faut reconstruire. Ma vie s’est écroulée ce jour-là. On sait comment ça s’écroule mais on ne sait comment il faut faire pour reconstruire. Alors en bonne élève, je fais tout ce qu’on me dit de faire, je prends les traitements sans rechigner, je fais du sport quand on me le dit mais au final, ma vie, elle, n’est pas re-construite. Ce que je veux, c’est retrouver une vie d’après. Je ne veux pas ma vie d’avant parce qu’il faut que j’ai conscience de tout ce qui peut m’arriver mais au- jourd’hui, je n’ai pas encore trouvé mes repères. J’ai tout à recommencer avec de nouveaux repères. Une fois que je les aurai, je serai reconstruite. »

Karline

« C’est comme un deuil. Il y a une première phase puis une deuxième, l’acceptation en fait partie, et tu finis par vivre avec. Se réapproprier son mental pour ensuite se réapproprier son physique. Et le sein c’est ce que je vais me réapproprier en dernier lieu. Quand j’aurai intégré mon sein, c’est que tout le reste ira bien. Se reconstruire, c’est oublier. C’est se dire, la page est tournée. C’est éviter d’avoir les larmes aux yeux quand on en parle. On arrive tous à oublier des mauvais moments. Et dans certains cas, l’oubli ce n’est pas si mal. »

Claire

« Ces photos me permettent de me trouver belle, de crier haut et fort que oui j’ai eu un cancer, oui c’est une épreuve et il ne faut pas la minimiser, oui je me suis battue, accompagnée de mes proches et du corps médical, oui aujourd’hui je suis guérie et oui j’ai le droit de montrer ces photos pour partager ce chemin de vie. Ces photos et cette exposition me permettent de dire oui j’ai le droit, aussi malgré ma différence, de vivre, de m’exposer, d’échanger autour de la maladie, de rassurer ces femmes, de partager sans se cacher. Soyons fières de nous ! Que cette expo soit visible le plus possible, que nos témoignages soient lus, partagés au maximum. »

Hélène

« Je pensais être soulagée d’avoir fini les traitements mais je me dis que l’après est encore une autre étape. Je me prépare à vivre le reste de ma vie avec cette épée de Damoclès et me dire que ça peut recommencer un jour. Quand on a un cancer, on perd un peu sa vie d’avant et moi j’ai l’impression d’avoir complètement perdu mon insouciance à 39 ans. Je me suis tellement battue pour montrer que j’étais là. Ce n’était pas facile, j’ai pleuré beaucoup de fois, mais je voulais montrer que l’on peut y arriver, que l’on peut avoir un cancer et être en forme. Je ne me suis jamais dit que j’avais envie de baisser les bras. Au contraire, j’ai tout le temps envie de me battre et de ne pas me laisser aller. J’ai essayé de prendre le bon côté des choses à chaque fois. Je voulais montrer à mes enfants que leur maman est une battante. Je suis fière de ce combat, de montrer qu’on y arrive. Aujourd’hui je me dis qu’il ne peut plus rien m’arriver et que c’est comme ça que je vais réussir à me reposer. Et j’espère pouvoir profiter de la vie, en prenant soin de moi et en prenant le temps. »

Muriele

« Pour moi l’ablation était juste une étape. Je savais qu’il fallait passer par là donc je ne l’ai pas vécue comme un deuil mais si je l’ai mal vécue, c’est qu’on m’a obligée à mal la vivre. A la suite de l’ablation, j’ai vécu une maltraitance psychologique de mon mari. Il me reprochait mon physique anormal. Ce n’était pas le fait d’être malade, c’était de ne plus être une femme. Pour lui, je n’étais plus un être humain comme les autres. Et c’est là que j’ai commencé à me détester. Je ne m’assumais plus, je n’acceptais plus du tout mon corps. Cette reconstruction, c’est me dire que je suis encore une femme. »

Isabelle

« La vie ne s’arrête pas quand on a un cancer du sein, même si on est fatiguée. Mais pour moi la fin des traitements a été difficile : la vie reprend son cours, les cheveux repoussent, mais je n’avais pas l’impression que c’était fini. Je savais que la mort était toujours là, juste à côté. Et les autres ne s’en rendent pas compte parce qu’ils continuent de vivre normalement. Il y a une fragilité qui reste. Je trouve ça bien de l’avoir, cette fragilité ; j’ai l’impression que c’est une force aussi. Je sais que je peux mourir demain. Ça me fait ressentir les choses d’une façon différente, avec plus de douceur et moins d’exigence. J’ai surtout compris que j’avais envie de prendre le plaisir là où il est, d’arrêter de passer à côté, que mes plaisirs pouvaient être des choses simples, comme être avec une personne que j’aime ou avec mes enfants en train de pique-niquer sur la plage. Je n’oublierai jamais l’amour que la famille et mes proches ont pu m’apporter. Pour les accompagnants, c’est très difficile. Quand toi tu es dans le combat, c’est presque plus facile. Se reconstruire c’est peut-être réapprendre à vivre. »

Sabine

« J’avais 37 ans quand je suis tombée malade. J’ai eu un cancer des deux seins mais j’ai eu besoin de deux traitements différents car l’un était hormono-dépendant et pas l’autre. Malgré tout, j’ai plutôt bien vécu toute la période de chimio. J’ai gardé mes cheveux rasés sans mettre de bandeau et en assumant le regard des gens. La féminité en prend un coup, certes, mais ce que j’ai surtout perdu, c’est la possibilité d’avoir une autre grossesse. Pour moi le plus gros drame est là, largement avant la perte des cheveux et tout le reste. Après le choc de l’annonce, je me suis relevée tout de suite. J’étais une warrior, tout le temps entourée, mais le contrecoup de tout ça est arrivé à la fin des traitements, quand tout retombe et qu’il faut tourner la page. Ça a été très dur. On avait eu beau me prévenir, je ne l’ai pas vu venir. Pendant 1 an et demi ça a été très compliqué, avec de grosses crises d’angoisse. J’ai changé depuis. J’ai pris beaucoup de recul et j’ai envie d’en profiter. Je pense vraiment qu’on ne reste pas la même après. J’ai peut-être un peu plus la soif de vivre mais avec plus d’angoisses aussi. La maladie ne m’a jamais fait peur mais depuis que je ne suis plus malade, j’ai peur de mourir. »